On trouve dans les principales villes marocaines, un quartier du Mellah. Il désigne spécifiquement le quartier où habitaient les résidents juifs de la ville. Il est généralement entouré de hauts murs afin de bien séparer populations musulmane et juive. Nous retraçons l'histoire des Mellahs marocaines.
Le Mellah, un quartier réservé aux résidents juifs
Comme chaque cité marocaine d’importance, Marrakech a un « Mellah ». Ce nom désigne le quartier où habitaient les résidents juifs de la ville. De hauts murs entourent celui-ci afin de bien séparer populations musulmane et juive… La première expérience de démarcation des deux religions remonte à la dernière décennie du IXe siècle, sous le règne du roi Idriss II. Ce dernier appréciait le savoir-faire des artisans juifs et les invita par centaines dans sa capitale naissante, Fès (en photo). Les immigrants vinrent de toute la diaspora : d’Egypte, de Perse, de Babylone, d’Espagne, etc. Fès devint le centre juif par excellence du Maroc, et l'un des centres de culture juive de premier plan. Afin de sécuriser la population juive, le roi décida de la regrouper dans un quartier clos, près de son palais. Il ordonna de ce fait la construction d’un mur enfermant un quartier de sa jeune cité.
La présence d’une communauté juive au Maroc reste toutefois antérieure à l‘islamisation (fin du VIIe siècle). Le judaïsme fut introduit par des Berbères nomades, convertis, et ce même avant l'ère chrétienne.
Une troisième vague va grossir la communauté : de nombreux juifs furent parmi les réfugiés qui s’installèrent au Maroc suite à leur expulsion d’Espagne dès 1392. L’ultime expulsion a lieu en 1492 avec la fin de la Reconquiesta chrétienne. Les Mellahs vont donc réellement se développer à partir du XVe siècle. Le premier quartier juif formellement connu sous ce nom fut établi en 1438, à Fès. Le but de la construction de ce quartier était à nouveau de protéger la minorité juive des exactions courantes.
Une architecture urbaine reproduite dans de nombreuses viles
Les Mellahs sont généralement réalisés sur la base d’un plan quadrilatère, avec quelques grands axes d’où partent de part et d’autre de nombreuses ruelles parallèles entre elles. C’est notamment le cas des Mellahs de Marrakech, Rabat, Tétouan ou Meknès. De ce fait, les habitations y sont fort exiguës. Les conditions de vie, déjà très rudes lors de l'établissement des quartiers, empirèrent avec l’augmentation de la population. Peu à peu les Mellahs devinrent surpeuplés. Un phénomène exacerbé par le fait que de nombreux Juifs, peu appréciés des Musulmans, n’osaient pas s’aventurer hors des murs d’enceintes du quartier. Dans cette vaste prison, hormis quelques commerçants qui réussissaient à s’enrichir, la pauvreté régnait.
Lors de son exploration du Maroc entre 1884 et 1992, l’archéologue et géographe Henri de La Martinière nous laissa le témoignage suivant de la vie dans un Mellah à l’époque : « Il y flottait de nauséeux relents issus d'une malpropreté invétérée. Les malheureux habitants offraient de nombreux stigmates de dégénérescence et de cruelles maladies » … « De notre époque, les juifs étaient obligés de marcher pied nus, dès qu'il sortaient de leur quartier. On les voyait enlever leurs babouches noires par distinctions de celles des musulmans qui seuls avaient le privilège de les porter jaunes... ».
La venue des Européens au Maroc donna progressivement à la communauté juive de nouvelles possibilités économiques et sociales en dehors du Mellah. Depuis l’indépendance du Maroc, les juifs marocains se sont toutefois massivement expatriés. La communauté juive marocaine compte désormais moins de 6000 personnes, alors que lors du recensement de 1948 elle comptait 260 000 membres. Les Mellahs sont donc désormais essentiellement peuplés par des marocains de la classe populaire.
D’où vient le mot Mellah?
Selon André Chouraqui, le mot Mellah « entre dans une lettre judéo arabe, datée de 1541 » et qui signifie: « lieu ou les Juifs vivaient ». La lettre marque la première apparition connue du mot « Mellah » avec une signification autre que sa désignation première : Sel. En arabe, le mot « Sel » se dit en effet « Mellah ». On estime généralement que ce nom vient de la localisation historique du quartier juif de Fès. Il fut en effet fondé dans une zone où s’effectuait le commerce du sel.
Le nom de Mellah viendrait donc de cette caractéristique particulière, et fut reprise pour désigner les autres quartiers juifs alors en construction dans les autres villes. Pour l’anecdote, nous vous livrons une autre explication qui est populaire parmi les membres de la génération née entre les deux guerres mais qui semble historiquement fumeuse. « Quand les guerriers musulmans revenaient d’une bataille, ils ramenaient comme trophées les têtes coupées de leurs ennemis. Une tache qui était imposée aux juifs était de saler les têtes pour les conserver empalés, » nous a-t-on ainsi compté.