Le Mellah de Marrakech fut construit en 1558 sous le règne de Moulay Abdallah. Pour embellir sa ville, le sultan saâdien su tirer partie du talent de la population juive qui avait fui l’Espagne. En contrepartie, ces derniers purent trouver une relative sécurité à l’intérieur du nouveau quartier cloisonné, à l’ombre du palais royal. Aujourd’hui, la quasi-totalité des familles juives qui vivent encore à Marrakech ont déserté l‘endroit.
D’aspect extérieur, les hauts murs du Mellah lui confèrent toujours une certaine étanchéité au sein de la médina marrakchi. Seules quelques portes, que l’on fermait à clef le soir, permettent d’entrer dans ce vieux quartier. A l’intérieur, de hautes bâtisses surplombent des rues, parallèles ou perpendiculaires, au tracé régulier. Les murs, le bois et les composantes de l’espace en général, arborent des couleurs ternes, ce qui donne une homogénéité esthétique au quartier. L’ensemble donne une impression de quartier historique encore peu rénové, un sentiment vivifié par de nombreuses maisons d’aspects simples et quelques peu délabrées.
Le Mellah reste encore de nos jours un quartier pauvre. Il tire toutefois son charme par l’activité débordante qui s’y déploie, une activité souvent plus importante que dans d’autres quartiers de la Médina. Les nombreuses échoppes qui s’y sont établies contribuent à ce charme. Les prix pratiqués y sont évidemment plus raisonnables qu‘ailleurs, car ajustés au moyens de la clientèle locale. Il est d’ailleurs à noter que certains bazars des souks marrakchis viennent s‘y approvisionner. Ces différentes caractéristiques ont donné au Mellah une réputation d’être un quartier où l’on peut dénicher les « meilleures offres » de Marrakech. Nous vous conseillons toutefois de rester vigilants et de négocier ferme.
A voir dans le Mellah
Commençons aux alentours avec la place des ferblantiers. Remise à neuve il y a trois ans, la place est aérée, paisible et ornée d’une fontaine centrale et de quelques palmiers fraîchement plantés. Une pergola circonférique l’entoure et dans le coin sud-est trône un antique eucalyptus. Il contemple en dessous de lui les ferblantiers qui s’activent dans leurs boutiques, régulièrement ordonnées tout autour de la place. Ici le fer blanc prend toute les formes et les objets insolites vous raviront. D’autant plus qu’il n’y aura aucun vendeur alléché prêt à vous interpeller au moindre malheureux coup d’oeil. Et les prix sont très raisonnables. Autrefois c’étaient les juifs qui fabriquaient ces objets en fer blanc. Enfin, parsemés entre les échoppes, quelques cafés permettent une pause ombragée tout en observant le regroupement des cigognes sur les remparts de la cité et du palais el-Badi.
De l’autre côté de la chaussée, angle nord-est de la place, se tient une entrée du Mellah. Là, juste sur votre gauche, légèrement décalée face à l’entrée se trouve la kyssaria des bijoutiers. Deux galeries dont une avec patio accueillent une quarantaine de boutiques. Le quartier juif abritait autrefois les meilleurs bijoutiers de Marrakech. Aujourd’hui l’activité traditionnelle y a toujours cours mais les bijoux viennent de tout le pays. Vous trouverez de la ceinture en or ajouré, aux bracelets, fibules, mains de Fatima, pièces en or ou en argent… Une criée des bijoux a lieu à partir de 16h30.
Le plus vieux marché du Mellah est le grand souk des épices qui occupe une partie du marché couvert. Celui-ci se situe à l’entrée près de la place des Ferblantiers. D’aspect trompeur, il nous évoque immédiatement les souks, hormis quelques détails… En premier lieu, de volumineux cônes d’épices en poudre s’alignent en une succession de couleurs et de senteurs. Safran, cumin, coriandre ou ras-el-hanout (mélange d‘épices), affichent une fraîcheur incomparable avec ceux des souks. De plus, la vente en gros ou en détail laissera toujours l’acquéreur satisfait du prix. Au centre du Mellah (faites vous guider) deux entrepôts remplis de sacs d’herbes aromatiques ou médicinales sont les épicentres du négoce : tous les matins jusqu’à 14h s’y déroulent les deux criées aux épices. La criée berbère n’a pas cours le vendredi, alors que la juive ferme le samedi. En plus des aromates, les échoppes proposent toutes sortes de produits et onguents pour les soins du corps : argile blanche ou mauritanienne pour le visage et la peau, pierres pour les pieds, nigelle contre le rhume, plantes pour maigrir, contre la chute des cheveux, etc. Sans oublier les nombreuses de tisanes, les parfums, les encens minéraux ou végétaux et bien entendu les savons.
Le marché couvert abrite également de nombreuses boutiques de tissus de très bonne qualité. A la demande du client, on confectionne rideaux, coussins, djellabas, etc.
A l’intérieur du Mellah la visite des deux synagogues est autorisée moyennant quelques dirhams (le prix n’est pas fixe). L’une d’elles est la synagogue «Neguidim », fut érigée à la fin du XIXème siècle. Elle se compose de trois pièces de petites dimensions. On y pénètre par une porte anonyme qui mène à une entrée obscure donnant directement à la pièce rectangulaire réservée aux femmes. En enfilade se trouve la synagogue à proprement parler, de dimensions fort modeste. Sur le mur de Sion se trouve un tabernacle de facture dépouillée tandis que l’arche est placée contre la paroi occidentale de la pièce. Le long des parois, des bancs de terre rouge sont recouverts de textiles de couleur et de petits coussins. Au centre de la synagogue, entre le tabernacle et l’arche se trouve une rangée de sièges en bois.
L’autre synagogue du mellah, « Alzama », date du début du XXème siècle. Elle a pour particularité de faire partie d’une série de bâtiments érigés autour d’un patio central soigneusement entretenu. Les peintures et zelliges du patio marient le blanc et le bleu avec raffinement. Ce n’est que récemment que sa paroi orientale a été agrémentée d’une galerie (ezrat nachim) pour les femmes. C’est une innovation au Maroc où les femmes se tenaient soit à l’entrée de la synagogue soit dans une pièce séparée. L’arche de bois, mobile au départ, a cédée la place à une arche de marbre située à proximité du mur oriental. Dans la synagogue même, les murs sont peints et il se dégage de l’ensemble une impression nettement moins intime qu’à la synagogue Neguidim. À l’étage au-dessus de la synagogue Alzama se trouvent une yechiva (soupe populaire) et les services communautaires.